Le patronat compte bien peser dans la campagne des élections européennes. Après l'U2P regroupant les indépendants mercredi, c'était au tour du Medef de recevoir les principales têtes de liste au scrutin de juin prochain dans ses locaux du VIIème arrondissement de Paris ce jeudi. De François-Xavier Bellamy (LR-PPE) à Raphaël Glusckmann (PS-Place publique) en passant par Valérie Hayer (Renew), Jordan Bardella (RN), Marion Marechal (Reconquête!), Manon Aubry (LFI) ou Marie Toussaint (EELV), tous les principaux candidats avaient fait le déplacement à l'exception de Léon Deffontaines, représentant du Parti communiste français (PCF). Contrairement au précédent débat à l'U2P, les partis avaient envoyé leurs principaux représentants .
Durant deux heures très denses, les candidats ont pu exposer leur vision dans un format relativement restreint (2 minutes) sur des sujets importants (Green Deal, réindustrialisation, etc.). Une autre heure était consacrée à des sujets remontés par des adhérents du Medef (simplification, innovation). Les candidats devaient alors faire une série de deux propositions dans un laps de temps encore très bref (deux minutes). Devant les prétendants au Parlement européen, le président du Medef, Patrick Martin n'a pas manqué de rappeler la position pro-européenne de l'organisation patronale. « Les entreprises doivent faire face aux tensions géopolitiques, la concurrence internationale et les multiples transitions comme le réchauffement climatique, l'intelligence artificielle et le vieillissement démographique. Nous avons besoin d'Europe. L'Europe et son marché intérieur de 450 millions d'habitants, est le premier marché commercial au monde », a-t-il déclaré dans un propos liminaire.
Le Pacte Vert, ligne de clivages entre les candidats
Porté depuis 2019 par la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen, le Pacte vert (« Green Deal ») a mis au grand jour les lignes de fractures entre les candidats. À la question d'une révision du Green deal, François Xavier Bellamy s'est montré favorable. « Nous avons demandé une pause réglementaire. Il faut changer l'orientation du Green Deal », a plaidé le candidat de la droite. « Il faudra revenir sur les textes qui ont fragilisé notre agriculture », a-t-il poursuivi. Dans le camp nationaliste, Marion Marechal Le Pen et Jordan Bardella ont fustigé ce programme de la Commission européenne. « Le Pacte de vert est un pacte de décroissance. Cette décroissance est d'abord industrielle, énergétique, agricole » a énuméré le leader des sondages. Très critique des ONG, il a dit « faire confiance aux chercheurs » pour gérer la transition. En revanche, Jordan Bardella est resté discret au sujet de la position du RN sur l'Europe devant un auditoire de dirigeants.
Dans le camp de la majorité présidentielle, Valérie Hayer a estimé que « le green deal a beaucoup été caricaturé » mais « nous ne reviendrons pas dessus ». A gauche, Raphaël Glusckmann et Manon Aubry ont plaidé en faveur de cet accord.« Si on reste au stade de normes, nous aurons une insurrection contre le green deal ». « Il faut une planification et des investissements », a résumé le candidat socialiste, plaidant pour « un IRA (Inflation reduction of act) de l'Europe ». Quant à Marie Toussaint, elle a déclaré qu'il fallait « poursuivre et accélérer le Pacte Vert ». « Nous n'avons pas de temps à perdre pour préserver notre planète et changer notre économie ».
Fiscalité, l'autre dossier qui divise
Sur la fiscalité, les candidats au Parlement de Strasbourg ont également fait valoir des positions discordantes. A droite, François Xavier Bellamy a sonné la charge contre la fiscalité jugée « trop lourde ». « Il faut libérer les entreprises pour qu'elles puissent investir par la baisse des impôts de production », a affirmé le professeur de philosophie. « Nous avons oublié la nécessaire compétitivité de notre entreprise. On ne peut pas imposer des impôts et des charges trop lourdes », a-t-il poursuivi.
Au Rassemblement national, Jordan Bardella était en opération séduction devant les entrepreneurs. « Sans les entreprises, la France ne serait rien », a-t-il déclaré. « Il faut poursuivre la baisse des impôts de production comme la CFE (cotisation foncière des entreprises) et la C3S (Contribution sociale de solidarité des sociétés). Ce sont des impôts injustes », a affirmé l'ancien porte-parole du parti d'extrême droite.
A l'autre bout du spectre politique, Raphaël Gluksmann a plaidé pour « un impôt sur les plus hauts patrimoines. Je parle des multimillionnaires et des milliardaires. Cela pourrait rapporter 200 milliards d'euros par an ». Il s'est également montré favorable à « une mutualisation des dettes » et la mise en place « d'un fonds souverain » pour financer les investissements colossaux de la transition écologique. De son côté, Marie Toussaint a prôné « un assouplissement du pacte de stabilité », « un emprunt commun » et un « ISF climat ». Enfin, Manon Aubry a pointé du doigt « l'inégalité dans l'octroi des crédits d'impôt ». « 20% des entreprises touchent 90% du crédit d'impôt recherche », a-t-elle regretté. Un sujet qui risque d'animer les débats au sein du patronat.